Lors des 14e Nuits Sonores, on va boire un verre avec Carole. Elle me dit qu’elle a pris le café avec Simon Reynolds chez Richard Bellia. Avouant mon ignorance sur Simon Reynolds, elle m’explique qu’il a été journaliste musical au New York Times, Village Voice, Spin, The Guardian, Rolling Stone, The Observer… qu’il a écrit un bouquin “Bring The Noise”. OK. Autant pour moi. Il y a d’ailleurs un article sur Rue89 “Pourquoi la musique n’invente plus rien : rencontre avec Simon Reynolds”.

Marrant ! On pourrait dire coïncidence, je ne crois pas : je lui relate la conversation avec ma voisine blablacar deux jours plus tôt.

Quand mes grands-parents ont entendu le rock qu’écoutaient mes parents, ils n’ont pas compris. Pour eux c’était de la musique “de-sauvage”. Quand Marc m’a filé en 92, deux cassettes sorties de table de mixage de Laurent Garnier, alors que j’écoutais de la Brit Pop, de la World, que j’avais écouté les Waves (New, Cold, Dark…), du Rock alternatif, Chanson, et côté électro un peu de Jean Michel Jarre, vaguement du Kraftwerk, je me suis dit

Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?

Je venais de découvrir la house et la techno. De la même manière, mes parents n’ont pas compris, et l’ont appelée “la musique-boum-boum”. Nous avons usé jusqu’à la trame ces deux cassettes, et c’est comme ça que nous en sommes venus à écouter de l’électro. Je trouve que la musique qu’écoutent mes enfants, ou les djeuns qu’on croise dans les festivals n’est pas si différente.

Quand ma voisine de covoiturage m’a demandé pourquoi, je lui ai répondu que (à mon avis) c’était essentiellement pour des raisons technologiques : des inventions on pu ouvrir le champ artistique et ont permis une ouverture à de nouvelles formes d’expressions. Le rock c’est l’utilisation de l’électronique dans les guitares, les pédales, et pour la musique dite “électro” c’est l’utilisation des technologies numériques (pas au début mais c’est rapidement l’ordinateur qui a été le plus utilisé).

L’autre rupture, c’est la mondialisation, le décloisonnement des styles. Le mélange de l’électro avec la musique d’Amérique du sud (Gotan Project), de l’électro-pop avec la musique de l’est et klezmer (Oi va voi, Yonderboi, Magnifico), du vocal avec la pop (Bauchklang, Saïan Supa Crew), du classique avec la techno (Aufgang), slave et folk (Beirut), tech-musique égyptienne (mouvement electro Shaabi), l’Afro avec la house (Umeme Afrorave), et puis les retours à l’épure, de White Stripes en passant par la pop minimale de Readymade FC, la tech minimale (Paul Kalkbrener, Chloé, Jennifer Cardini…), le bricolage electro-pop-DIY d’un Cosmo Sheldrake, on pourrait continuer longtemps à donner des exemples d’allers-retours entre métissages exploiratoires et affinages. Et de ce point de vue, Jean-Louis Brossard qui avait créé en 1979 Les Rencontres Trans-Musicales avait eu un sacré nez.

Simon Reynolds parle de ces ruptures technologiques, il en ajoute une plus récente : l’Autotune. Effectivement, je bloque complètement sur cet effet, alors que mes enfants écoutent des morceaux avec des chanteurs qui l’utilisent, et ça leur va très bien.

Ca m’a donné envie de lire son livre, pour comprendre aussi ce qu’il veut dire par

les gens qui aiment les nouveautés et l’innovation se tournent vers les jeux vidéo

En travaillant dans l’informatique, je croise pas mal de geeks, dont des gamers. Je n’ai pas l’impression de vases communicants entre musique et jeux. Pour la plupart, ils écoutent souvent du rock progressif, métal, heavy-metal, ils vont au Hell Fest. Ils continuent de vouloir découvrir de la musique nouvelle, ET de nouveaux jeux. En revanche, il a raison de souligner que le jeux (vidéo ou pas), est une nouvelle forme artistique : le 10e art.

Après relecture, on a l’impression que le propos tend à dire qu’il n’y aura plus d’“invention”. Je crois qu’il y aura forcément d’autres inventions, et renouvellements artistiques importants dans la musique. Peut-être ce sera une personnalisation de la musique : par les mobiles, les applications, il sera possible d’écouter une musique remixée automatiquement en fonction de ses goûts, ses humeurs, son réseau social.

Et vous qu’en pensez-vous ? Voyez-vous l’émergence d’un genre musicale comme celle que décrit Simon Reynolds à propos du Grunge, c’est à dire qui modifie la façon de s’habiller, qui modifie le son à la radio, qui fédère une communauté ? Est-ce que l’underground musical (au sens de précurseur/prescripteur) à un sens à l’ère du net ?