Dimanche, fête de la musique, 15h. Un peu de répit, Louise est à une fête déguisée de sa copine Eléa, Victor dort. C’est la première fois que je me retrouve seul avec les 2 enfants pendant un week end. Nadège l’a fait déjà 2 fois. Elle m’avait dit que c’était pas évident, mais lorsque l’on connaît la vie à deux, on a du mal à imaginer. On peut penser que c’est un peu comme un soir qui dure deux ou trois jours : une charge supplémentaire, des moments à soi divisés par deux.

Je crois que c’est moins que deux fois moins. Parce que à deux, il y a une répartition “naturelle” des tâches, qui se fait suivant les volontés, appétences et compétences de l’un et de l’autre (voire aussi dans le pire des cas, des raports de force). Quand on se retrouve seul(e), il faut faire des tâches qu’on a pas l’habitude de faire. Du coup, on n’est pas performant. Par exemple, je sais que je ne prends pas beaucoup part au rangement : je suis peu ordonné. Cela a deux conséquences : d’une part ma limite supportable est beaucoup plus élevée que celle de Nadège, d’autre part n’étant pas concepteur de l’ordre, c’est plus difficile d’en retrouver la logique. Je ne cherche pas d’excuses. Le fait est, que habituellement, Nadège range plus que moi, que ça se fait rapidement, efficacement, ça passe inaperçu (en ce qui me concerne). Quand je me retrouve seul, soit je laisse filer, et rapidement l’appart se transforme en capharnaüm, ce qui a pour effet systémique de précipiter l’absence de rangement (effet broken window), soit je me fais violence, et prends le temps pour le faire, même si ce n’est pas efficace.

J’ai choisi le rangement, car c’est un point faible chez moi, mais ça peut être facilement transposable à la cuisine, les bains, les couchers, les lessives, les poubelles, le suivi scolaire, les trajets à l’école, la vaisselle, le ménage, le courrier, l’administratif, et ça peut même aller plus loin, comme la maintenance de l’informatique (ça peut devenir galère de ne plus avoir d’internet, ou de PC), de la voiture, portage de valises, entretien du jardin, travaux, animation, etc.

Tout ça pour dire qu’être parent célibataire c’est une peu comme être entrepreneur. C’est plus qu’un “plein temps”, c’est du temps plein. On ne peut pas mettre une frontière nette, comme lorsque qu’un salarié sort du bureau entre deux vies, la professionnelle et la privée, la vie de famille, et la vie personnelle. Si je continue la métaphore et que j’extrapole le peu que je connais de la vie entrepreneuriale, pour s’y épanouir, ce doit être une passion.

Et encore, je suis dans un cadre sympa, où je n’ai pas à stresser pour l’aspect financier, où les enfants sont en bonne santé, élevés dans un cadre propice à un bon équilibre. Cela impacte de manière positive l’organisation du temps, car je peux poser Victor dans la chambre de Louise pendant 1/2h ou même une heure sans qu’il ne dise rien, je peux aussi laisser Louise chez sa copine sans me demander ce qui risque de se passer, je couche Victor en 10mn, sans avoir à supporter des pleurs, je peux trouver des petits laps de temps pour les tâches de la maison. Je peux aussi dormir correctement. Ca paraît évident. Cependant, si on essayait de modéliser ces aspects, on pourrait obtenir une double boucle de rétroaction comme celle-ci :

Les + signifient que les éléments évoluent dans le même sens, et les - dans le sens contraire. On peut voir que les deux boucles se renforcent l’une l’autre (elles sont de même signe). Les effets ne sont plus linéaires. Du coup je comprends que cela puisse partir “en live” dans des familles sous pression (et sans les avoir représentés, on imagine facilement que l’aspect financier, ou une mauvaise entente entre les parents peuvent encore empirer le tout).

Mais pour finir sur une touche positive, je suis content de mettre en évidence mes points faibles, que Nadège pense à autre chose, et j’ai passé de bons moments avec eux. Un gros câlin (même bref), ou une réflexion qui sort d’on ne sait où et tout ça s’oublie très vite.

PS : les familles de 3, 4 enfants et plus doivent bien rigoler en lisant ça…